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La vie, Linux, la tartiflette...

Partagez-nous votre avis sur votre expérience

Merci de votre visite sur mart-e.be, avant la lecture de votre article, pourriez-vous prendre 5 minutes pour nous donner votre avis concernant votre expérience de visite ?

Ces dernières années, une tendance, pourtant déjà bien installée, s'est encore intensifiée: le fait de nous demander d'évaluer tout et (surtout) n'importe quoi à tout bout de champ.

Dès que l'on achète quelque chose (en ligne ou non), recommanderiez-vous cet article ? À la sortie d'une visite chez le garagiste : comment était votre expérience ? Dès que je sors d'une toilette d'aire d'autoroute, le sentiment du travail accompli, on me demande de laisser une note. Ce n'est pas que je n'aime pas vos petits boutons avec des sourires mais, écoutez, on ne se connait pas, mon expérience là-bas ne regarde que moi et mon proctologue.

Pourriez-vous donner une note sur cinq concernant le paragraphe ci-dessus ? Sachez que les paragraphes avec quatre étoiles ou moins seront moins mis en avant. Toute l'équipe de mart-e.be vous remercie de votre confiance.

On répète souvent la célèbre phrase de Peter Drucker "You can't manage what you can't measure". Cette phase, citée par tous les livres de management bullshits, justifie d'harceler les utilisateurs lors de la course à la performance.

À force de se focaliser sur le mesurable, on sous-estime l'importance de ce qui ne l'est pas. Or, beaucoup de choses importantes ne peuvent être mesurées. On ne peut pas mesurer le bonheur (même si certains essayent), on ne peut pas mesurer la nature, on ne peut pas mesurer la qualité des relations humaines. C'est à cause de pensées comme celle de Peter Drucker que l'on se retrouve dans la situation de merde dans laquelle nous sommes. Pendant des décennies, on s'est focalisé sur des métriques monétaires comme le PIB, négligeant complètement ce qui ne rentre pas dans l'équation, tel que l'apport des écosystèmes ou le travail non-rémunéré.

Il semblerait que vous n'ayez pas répondu à notre demande de sondage. Pourriez-vous nous donner votre opinion, cela ne prendra que peu de temps et nous aide beaucoup dans notre objectif d'amélioration continue.

Si le but premier était d'améliorer la qualité du service (les plus cyniques diront pour détecter les tire-au-flanc), cette lubie à l'évaluation a, à force, rendu insignifiants les scores. Désormais, un 4/5 sera considéré "moyen" et un 3/5 fait franchement tache. Alors qu'un 5/5 devrait signifier la perfection inatteignable, ce sera la note qu'on laisse si tout s'est bien passé, pour ne pas vexer notre interlocuteur.

Je ne peux m'empêcher de penser à l'épisode Chute libre de la géniale série Black Mirror. Dans cet épisode, l’héroïne enchaîne les politesses à outrance et se plie en quatre pour obtenir l'approbation de tous, dans le seul but d'augmenter sa note, assez banale, de 4,2/5.

"Toilettes impec, 5/5"

Lorsque j'ai regardé cet épisode, en 2016, je l'avais trouvé glaçant (comme d'habitude avec Black Mirror). On faisait des parallèles avec le système de crédit social en Chine. Pauvres Chinois à qui on imposait ce système dystopien... 7 ans plus tard, j'ai une autre lecture, beaucoup plus proche de nous. Et si, finalement, on y était aussi, d'une façon plus insidieuse ? À force de vouloir maximiser les évaluations, on perd toute authenticité. On sait que les notes ne veulent plus rien dire, qu'elles sont bourrées de faux avis ou hors propos, mais on ne peut s'empêcher de les lire dès qu'on cherche un resto, un hôtel ou un mixeur.

Il y a quelques années, le site Medieval4i faisait débat car il permettait de donner une note à un médecin. On avait, à raison, crié au scandale, les dérives étant assez faciles à voir (court-termisme et médecine ne faisant pas bon ménage). Le site n'a pas fait long-feu et n'existe plus (on ne le regrettera pas). Cependant, il suffit de faire une recherche sur Google Maps pour voir que cette pratique existe depuis longtemps. Désolé, Dr Marie-Claire, grâce à un avis, tu viens de tomber en bas de la liste de priorité. Et, franchement, Dr Gaetane, je n'irai te voir que si tous les autres sont occupés et que je suis à l'article de la mort...

Est-ce que l'on peut sortir de ce système malsain ? Ce n'est probablement pas en laissant des mauvaises notes à tout ceux qui vous en demande (ce que je fais, néanmoins, avec grand plaisir) que l'on va changer ce système. Autant je tire une certain satisfaction à envoyer des mails d'insultes au support de Spotify, autant je ne m'attends pas à ce qu'ils changent suite à mes messages. J'ai bien compris maintenant que mon avis reste minoritaire.

Dans son dernier article, Ploum parlait d'un internet de plus en plus divisé. D'un coté, l'énorme web commercial avec ses sollicitations continues et de l'autre, l'internet lent et plus petit, avec des alternatives comme le Small Web ou Gemini. De plus en plus, ces deux mondes ne se comprennent ni ne se parlent plus. Ces demandes d'avis ne sont qu'un des symptômes de cet internet bruyant qui m'épuise. Je suis heureux de publier mes réflexions sur un blog minimaliste lu seulement par une poignée de visiteurs me suivant via un flux RSS. Si vous avez un avis à me donner, ne me laissez pas une note, contactez moi.

Mais, cela ne s'applique pas qu'à internet. Le vendeur de la Fnac, le commercial de chez Audi et les toilettes d'aires d'autoroute appartiennent au monde physique mais font surtout partie de grands groupes commerciaux et agissent dans la même logique d'optimisation capitaliste qu'un Uber ou un Amazon. Votre épicier, restaurateur ou réparateur de vélo de quartier ne va pas vous demander de lui laisser une note, il n'en a pas besoin, il sait si vous êtes satisfait ou non.

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